« Au marché » : Tu vas au marché, patronne ?

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Patronne, patronne, tu vas au marché ? Tu m’emmènes ?

Albert prend place sur le fauteuil du passager de ma 504 rutilante. Je ne vais pas au marché, mais pas très loin. S’il veut je peux l’y déposer.

Albert travaille à la maison comme cuisinier, et prépare les repas du midi et du soir. En général entre 14h et 17h, il ne travaille pas. Ce n’est d’ailleurs pas la bonne heure pour aller au marché. Les courses se font le matin, pour acheter des produits bien frais, qui ne sont restés trop longtemps au soleil.

La voiture brillait sous le soleil voilé de ce début d’après-midi. Albert l’avait nettoyée hier pour gagner quelques sous.

En fait, Albert n’a pas besoin d’aller au marché, il veut garder ma voiture quand je serai absent. Là aussi, il voudrait récupérer quelques billets. C’est vrai que je donne toujours quelques CFA au gamin qui vient immanquablement me proposer ses services. C’est une institution le gardien de voiture. Je n’y déroge pas. Albert me fait douter : il a déjà de la chance d’avoir ce job, si je lui donne aussi les quelques sous du gardien de voiture, c’est autant qui n’aide pas quelqu’un d’autre ; mais, bon… Si cela lui fait plaisir !

Je gare ma voiture à quelques mètres de mon lieu de rendez-vous, un bureau dans le quartier des affaires. Je préviens Albert que je reviendrai vers 16h; et lui laisse les clés.

Quelle n’est pas ma surprise, quand vers 15h45, alors que j’ai terminé mon rendez-vous, je ne trouve ni voiture, ni Albert ! J’interroge l’un des gamins appuyé sur sa béquille, une de ceux qui d’habitude fait office de gardien. Ils sont quelques-uns aux jambes déformées par la polyo, toujours présents à cet endroit.

– Il va revenir bientôt, Patronne.

Patronne, patronne, je ne mes sens patronne de rien, et pas du tout maîtresse de la situation. Je fais quoi, là maintenant ? j’attends le retour d’Albert ? Il fait vraiment chaud. Je trouve un taxi et je rentre à la maison.

Il est 22 heures passées quand Albert revient. Pour le repas du soir, je me suis débrouillée. mais j’étais vraiment morte d’inquiétude.

Il pouvait avoir eu un accident… qui m’aurait prévenue ?

Albert avait voulu conduire une dame. elle l’avait mené bien loin. Il était tombé en panne, avait dû trouver de l’essence. Pas une mince affaire quand on n’a pas de sous. Il avait probablement siphonné le réservoir d’une autre voiture… Et il était rentré. C’était une époque sans téléphone portable.

Il l’avait compris, je ne lui confierai plus jamais ma voiture…

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